vendredi 28 juin 2013

Au marais Lamoureux

Jeudi après-midi, dans le champ à l'est du marais, il y avait un foisonnement de libellules fraîchement émergées. Il s'agissait de 2 espèces: le Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum) et le Leste disjoint (Lestes disjunctus).

Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum) (identification corrigée)

Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum) (identification corrigée)

Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum) (identification corrigée).  Il y en avait plein, plein, plein.
Leste disjoint (Lestes disjunctus)
Il s'agissait d'individus ténéraux au vol encore incertain. J'ai suivi leur provenance dans l'espoir de trouver leur lieu d'émergence. Je suis arrivée à une talle d'herbes, surtout des Rubaniers, en bordure du plan d'eau:


J'ai trouvé dans cette touffe d'herbes d'environ 2m carré: environ 10 exuvies de Lestes disjunctus; 3 exuvies de Sympetrum obtrusum (identification corrigée); 1 exuvie d'Ischnura verticalis.

En eau plus profonde, sur le haut d'une quenouille (Typha sp.):

Exuvie d'Anax précoce (Anax junius).
Il est intéressant de voir une exuvie d'Anax. Cela signifie qu'à partir de maintenant, les adultes que l'on voit en vol ne sont plus seulement des individus migrateurs. Une population locale existe et cohabite avec la population migrante.

Alors que je cherchais des exuvies, une petite libellule bleue m'a filé sous le nez. Un Pachydiplax (Pachydiplax longipennis)!

Pachydiplax (Pachydiplax longipennis). Ce mâle patrouillait la berge et semblait prêt à se reproduire. C'est le seul individu que j'ai vu ce jour-là. 
C'est le premier Pachydiplax que je vois en cette saison. Je n'ai jamais vu de larve, d'exuvie, ni d'individu ténéral. Je n'ai donc pas la preuve que cet individu provenait du marais Lamoureux. C'est une histoire à suivre de près puisque le Pachydiplax est une espèce d'introduction très récente au Québec. La présence d'adultes en vol à Gatineau n'a été confirmé qu'à l'été 2012 et à ma connaissance il n'a pas encore été démontré qu'ils pouvaient se reproduire ici.

Fait intéressant: une odonatologiste bien connue à Ottawa, Christina Lewis, m'a communiqué qu'elle avait également vu son premier Pachydiplax de l'année le 27 juin, dans la Britannia Conservation Area (de l'autre côté de la rivière-des-Outaouais, tout juste vis-à-vis Deschênes).

En patrouille sur le plan d'eau, il y avait aussi: l'Anax précoce (Anax junius); la Lydienne (Libellula lydia); la Gracieuse (Libellula pulchella) et toujours la Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta). Quelques Agrions verticaux (Ischnura verticalis) de tous les stades. Ils sont toujours tellement fidèles au poste qu'on finit par ne plus les remarquer.

Les Gracieuses émergées la semaine dernière ont pris des couleurs ainsi que beaucoup d'assurance! Ce mâle patrouillait "sa" zone du marais avec beaucoup d'agressivité envers les mâles de son espèce et les mâles Lydienne (Libellula lydia). On voit sur l'abdomen de ce mâle des marques d'usure qui suggèrent qu'il s'est déjà accouplé. Les marques sont faites par les femelles, qui s'agrippent avec leurs pattes sur l'abdomen du mâle lors de la copulation.

Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta). Encore nombreuses et très actives, mais leur règne s'achèvera bientôt.

J'ai l'intention de retourner au marais d'ici quelques jours pour voir comment les Sympétrums et les Lestes s'en tirent.

mercredi 26 juin 2013

Dans la rivière des Outaouais

Le niveau d'eau dans la rivière des Outaouais est demeuré haut très longtemps cette année. Ces jours-ci, on voit que l'eau baisse de jour en jour, les forêts inondées se vident tranquillement, les berges de la rivière redeviennent accessibles.

La rivière retourne dans son lit. Près du rivage, les arbres portent la marque du niveau d'eau des dernières semaines.

Cette magnifique forêt d'érables argentés s'assèche de jour en jour.

Les enfants et moi en avons profité pour visiter quelques endroits en amont et en aval des Rapides Deschênes. Nous avons pratiqué la technique du "kick net" dans l'espoir de trouver quelques larves d'odonates, ce sans succès. Nous avons par contre trouvé quelques larves de Libellula sp. dans une baie d'eau stagnante en aval des rapides, ainsi qu'une larve d'Aeshnidé près d'une plage du Lac Deschênes (élargissement de la rivière en amont des rapides). Il pourrait s'agir de l'Aeschne vineuse (Boyeria vinosa), mais ça reste à confirmer. Nous avons ramené la larve à la maison et l'avons mise dans un plat d'émergence. Voyons voir ce qui en sortira! À suivre.

"Kick net" tout juste en aval des Rapides Deschênes.  Difficile en raison de la force du courant.

Nous n'avons pas trouvé de larve de libellule ici. Par contre, des tonnes de larves de Perlidés (Plécoptères), ainsi que 2 écrevisses (1 écrevisse de ruisseau et 1 écrevisse à épine?).

En amont des rapides, l'élargissement de la rivière des Outaouais porte aussi le nom de "Lac Deschênes". Ici 1 écrevisse mort (écrevisse à épines?) et des tonnes de minuscules poissons.

La seule larve d'odonate que nous avons trouvée dans la rivière. Elle était sur le fond sableux du lac Deschênes, en amont des rapides, là où le courant d'eau est presqu'imperceptible. J'ai pensé qu'elle se dirigeait vers la plage pour émerger. Nous l'avons ramenée à la maison et l'avons mise dans un plat d'émergence pour voir ce qui en sortira. Peut-être l'Aeschne vineuse (Boyeria vinosa)?

Nous n'avons vu aucune exuvie d'odonate, par contre des milliards d'exuvies d'éphémères ou plécoptères flottent à la surface de l'eau ou se collent aux végétaux. Quel incroyable buffet.

Pour ce qui est des libellules en vol, il y en avait très peu. Ça me surprend compte tenu de la surabondance des éphémères, plécoptères et autres proies faciles en vol. J'ai reconnu l'Anax précoce (Anax junius). Il y avait également une autre libellule assez grosse, qui patrouillait le bord de la rivière à distance frustrante. Tout au bord, dans les herbes, j'ai revu la Caloptéryx à taches apicales (Calopteryx aequabilis) et, comme toujours, l'Agrion vertical (Ischnura verticalis).

mardi 25 juin 2013

Matin dans Deschênes

Ce matin, je croyais trouver des exuvies de gomphes au bord de la rivière des Outaouais, dans Deschênes. Je suis retournée aux même endroits qu'hier et n'en ai vu aucune.

Par contre, j'ai fait une rencontre inattendue: la magnifique Caloptéryx à taches apicales (Calopteryx aequabilis).




Alors que sa cousine, la Caloptéryx bistrée, préfère les ruisseaux, la Caloptéryx à taches apicales semble préférer les cours d'eau plus considérables. Paulson (2011) mentionne comme habitat les ruisseaux clairs de toutes taille ainsi que les rivières à courant lent à modéré et pourvus de végétation aquatique. La petite portion de rivière où j'ai vu ce mâle correspondait tout-à-fait à cette description (45°22'47.65"N;  75°48'22.88"O).

C'est fascinant de voir à quel point la rivière-des-Outaouais change d'une portion de rive à une autre, offrant à chaque détour un petit univers unique, avec sa flore et sa faune toute particulière.

lundi 24 juin 2013

Les gomphes de la Saint-Jean

Ce matin, vers 9h, j'ai été au bord de la rivière-des-Outaouais juste en amont des Rapides-Deschênes (45°22'45.19"N; 75°48'26.21"O). Je visite cet endroit régulièrement depuis plus d'un mois, dans l'espoir de surprendre des émergences de Gomphidés. ENFIN! Les voilà!

Dans les débris de plantes arrachées, j'ai trouvé 2 exuvies de Gomphe fraternel (Gomphus fraternus).

Un peu plus en amont, la rivière s'élargit et l'eau est plus calme.
Derrière un peuplier, parmi les roches et les bouts de verre, une larve de Gomphus sp.

Gomphus sp., très difficile à voir. Celui-ci semblait chercher un support d'émergence. Il a tenté d'escalader un tronc. Après avoir atteint une hauteur d'environ 30 cm, il est retombé dans le gravier. Je n'ai pas eu la patience d'attendre jusqu'au bout; après 30 minutes je l'ai laissé à ses errances.
Un peu plus haut sur la plage: un Gomphe-cobra (Gomphus vastus) femelle, très endommagé.
Gomphe-cobra (Gomphus vastus) femelle

Gomphe-cobra (Gomphus vastus) femelle
Ce sont peut-être les pluies diluviennes de la nuit passée qui ont perturbé l'émergence de ce gomphe-cobra? Il suffit parfois d'une vague pour abîmer une libellule en train d'émerger.


Le Gomphe fraternel et le Gomphe-cobra sont deux espèces de grandes rivières. Elles sont ici au nord de leur aire de répartition, et ne sont pas fréquemment observées. Walker (1958) cite Deschênes et Aylmer comme localité pour ces deux espèces; quel joie de voir que plus de 50 ans plus tard, elles sont toujours là!

Bonne Saint-Jean!



mercredi 19 juin 2013

Début d'été au Lac des Fées

Aujourd'hui j'ai passé l'après-midi au Lac des Fées (45°26'17.80"; N75°45'9.23"O), tout au sud du Parc de la Gatineau. 

Le ruisseau qui l'alimente prend sa source dans le Parc de la Gatineau. Il parcourt un très, très long chemin à travers la ville avant de s'y déverser: Tout d'abord, il cascade l'escarpement Eardley. Puis, il traverse des terres agricoles et le parc industriel d'Aylmer Nord. Il traverse ensuite tout le quartier du Plateau (secteur Hull) de l'ouest vers l'est, pour aboutir au nord-ouest du Lac des Fées.  Peut-être est-ce la raison pour laquelle l'eau est si chargée en sédiments?

Le ruisseau des Fées
 Malgrés ses eaux troubles,  le ruisseau des Fées était l'hôte d'un véritable ballet de Caloptéryx bistrées (Calopteryx maculata). Les herbes immergées abritaient plusieurs larvules de Caloptérygidées (probablement Calopteryx maculata) et d'Aschnidées (genres Basiaeschna ou Boyeria).

Caloptéryx bistré (Calopteryx maculata) mâle, un vrai bijou.

Le vol des Caloptéryx est très particulier et d'une grande élégance.

Le mâle a les ailes entièrement noires. La femelle a un petit point blanc visible au bout des ailes (pterostigma).

Comme chez tous les Odonates, les organes génitaux de la femelle sont au bout de son abdomen, alors que ceux du mâle sont à sa base. L'accouplement est acrobatique.


Au Lac des Fées, j'ai vu, en vol: l'Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura); l'Épithèque princière (Epitheca princeps); le Gomphe cornu (Arigomphus cornutus). Ces 3 espèces patrouillaient le plan d'eau à proximité des berges. D'autres espèces matures ou immatures se cachaient dans les herbes: l'Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis); la Lydienne (Plathemis lydia); la Gracieuse (Libellula lydia); la Julienne (Libellula julia); la Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta); la Déesse paisible (Nehalennia irene); l'Agrion vertical (Ischnura verticalis).

Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura) mâle

Gomphe cornu (Arigomphus cornutus) mâle
Gros plan sur les cerques caractéristiques du Gomphe cornu (Arigomphus cornutus) mâle

Gomphe cornu (Arigomphus cornutus) mâle
Gomphe cornu (Arigomphus cornutus) mâle


Une Leucorrhine moucheté (Leucorrhinia intacta) femelle avec des oeufs.


Le Lac des Fées fait partie du Parc de la Gatineau. Nous avons obtenu un permis de recherche de la Commission de la capitale nationale (ccn) pour notre étude.

samedi 15 juin 2013

Début d'été dans la Forêt Boucher


Un autre endroit que j'aime visiter régulièrement est la Forêt Boucher. Les sentiers qui la sillonnent traversent des forêts humides et des forêts sèches, mais aussi des milieux plus ouverts. Ces milieux riches en végétation herbacée et arbustive sont de véritables aimants pour les libellules immatures. Elles restent ici environ 1 semaine, pour ensuite retourner vers les milieux humides où elles se reproduisent.

La semaine dernière, cette clairière foisonnait de Lydiennes (Libellula lydia) immatures.  Cette semaine, il ne restait plus que quelques femelles...

Un "sentier à libellules" dans la Forêt Boucher. Plus tranquille cette semaine, maintenant que les Lydiennes sont parties.
Les Lydiennes mâles matures sont reconnaissables à leurs ailes traversées d'un bandeau noir et à leur abdomen d'un blanc éclatant:

Lydienne (Libellula lydia) mâle

J'ai été très surprise de voir les endroits qu'avaient choisis les Lydiennes, mais aussi d'autres espèces de libellules, pour venir se reproduire:

Ici, une mare d'au plus 10 cm de profondeur sur une dalle de roche. La température de l'eau y est aussi chaude que celle d'un bain. 2 mâles Lydiennes se la partagent.

Cette mare peu profonde à même le sentier est aussi patrouillée par des mâles Lydiennes.

Cette petite dépression contient à peine un peu d'eau entre les touffes de prêles. Elle était surveillée par une libellule quadrimaculée (Libellula quadrimaculata).

En bordure de cette minuscule mare j'ai trouvé 2 espèces de libellules qui venaient à peine d'émerger: le Leste dryade (Lestes dryas) et le Sympétrum intime (Sympetrum internum). J'ai été surprise de voir que des larves de libellules aient pu se développer dans aussi peu d'eau, surtout en sachant que, l'été dernier ayant été exceptionnellement chaud et sec, cette mare a dû sécher sur une période de quelques mois.

En bordure de la forêt, j'ai rencontré une autre espèce qui a entamé sa période de reproduction: la Cordulie écorcée (Dorocordulia libera).

Accouplement de Cordulie écorcée (Dorocordulia libera). Le mâle se reconnaît à ses couleurs métalliques et à son abdomen en forme de spatule. Je ne sais pas où la femelle va pondre. Le milieu humide le plus proche est un fossé de drainage creusé par une carrière voisine:


Gigantesque fossé de drainage de la carrière Lafarge. Le fond contient de l'eau stagnante. Il pourrait s'agir d'un endroit propice aux Cordulies écorcées.


J'ai rencontré au retour un autre espèce, nouvelle pour moi cette année: le Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata) en vol rapide au dessus du sentier. C'est une espèce qui se reproduit en milieu d'eau courante. Peut-être venait-il du fossé de drainage voisin, dont une portion est boisée?

Cordulegastre maculé (Cordulegaster maculata), mâle.
Fossé de drainage, portion boisée (près de l'intersection de la rue Antoine-Bouchewr et du Chemin Vanier). Un habitat potentiel pour plusieurs espèces de libellules, dont le Cordulegastre maculé. Je n'y suis pas allée en raison de la formidable colonie d'herbe à puce qui borde ce cours d'eau...

Je re-visterai les mêmes endroits la semaine prochaine.



jeudi 13 juin 2013

Début d'été au Marais Lamoureux

J'ai beaucoup de plaisir à visiter le marais Lamoureux à chaque semaine. Je vois les plantes et les animaux qui évoluent et se succèdent; tout change très vite. Ce spectacle sans cesse renouvelé est toujours d'une grande beauté. La saison des libellules n'est pas encore commencée près de la rivière des Outaouais. Par contre, au marais, elle y est déjà bien avancée. La raison est sans doute que le marais étant très peu profond, il s'est réchauffé beaucoup plus rapidement que la rivière.


Le marais Lamoureux

Cette semaine, les Libellulidées ont pris le contrôle de l'étang. Cette famille de libellules est la plus facile à observer car ses membres passent beaucoup de temps perchés.

En reproduction les 11-12 juin: (observation d'accouplements, de pontes et de luttes territoriales): La Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta); l'Anax précoce (Anax junius); la Lydienne (Libellula lydia); l'Agrion vertical (Ischnura verticalis).

En émergence les 11-12 juin (observation d'individus très ténéraux, au vol faible): la Gracieuse (Libellula pulchella); l'Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis); l'Agrion vertical (Ischnura verticalis).

J'ai aussi observé d'autres libellules immatures, ayant probablement émergé plus tôt cette semaine: la Mélancolique (Libellula luctuosa); la Caloptéryx bistrée (Calopteryx maculata, larve dans le ruisseau et adulte dans un sentier boisé); le Leste dryade (Lestes dryas); l'Agrion vertical (Ischnura verticalis).


Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacata). La face blanche et l'unique point jaune sur  un abdomen sombre sont diagnostiques de l'espèce. Ce mâle défend âprement son territoire (une bûche flottante et le petit espace autour). 

La prochaine séquence de photo montre une Lydienne (Libellula lydia) en train de pondre. Elle vole sur place et tape à répétition la surface de l'eau avec le bout de son abdomen. La lydienne est l'espèce de libellule ayant la plus grande capacité d'expulsion d'oeufs jamais enregistrée parmi toutes les espèces de libellules du monde: 1728 oeufs par minutes (Corbet, 1999).









Cette femelle a tapoté l'eau au moins 10 fois sur une durée d'au moins 1 minute. Pendant tout ce temps,  le mâle  surveillait de près (on l'aperçoit en haut de la photo, avec son abdomen blanc et ses ailes traversée d'une large bande noire).


Au même moment, j'ai vu au moins une dizaine de Gracieuses émerger des quenouilles. On voit à peine le marquage noir sur leurs ailes fraîchement dépliées:

La Gracieuse (Libellula pulchella).
2 espèces de demoiselles aux magnifiques couleurs métalliques, vues pour la première fois cette année au marais:


Leste dryade (Lestes dryas) femelle.

Caloptéryx bistrée (Calopteryx maculata) mâle.


Source: Corbet, Philip S., 1999. Dragonflies, Behavior and ecology of Odonata. Cornell University Press, 829 pages. Un ouvrage de synthèse qualifié par plusieurs de "magistral".