dimanche 21 décembre 2014

La glace sur une grande rivière

La rivière des Outaouais gèle peu à peu. Dur à croire que, sous la glace, attendent des milliers et des milliers de larves de libellules…

En amont des rapides Deschênes, le 20 décembre 2014. La rivière fait près de 3 km de largeur.

Certaines portions de la rivière ne gèlent jamais tout-à-fait. Le courant y est trop fort. Dans ces portions de la rivière, je n'ai jamais trouvé d'exuvies de libellules.

Les rapides Deschênes, le 10 février 2014

La glace est un bon indice des forces à l'oeuvre. C'est au printemps qu'on prendra la pleine mesure de la puissance de la rivière et de la résistance des bestioles qui y vivent.

Un petit clip de la débâcle 2013:



Les grandes rivières sont des milieux particuliers qui abritent une faune particulière. J'ai lu récemment, avec étonnement, que les grandes rivières étaient encore très peu étudiées et mal connues comparativement aux rivières de moindre débit (Thorpe, J.H. et A.P. Covitch, 2010. Ecology and classification of North American freshwater invertebrates, 3rd edition, Elsevier).


jeudi 18 décembre 2014

Bilan d'exuvies 2014


ENFIN FINI!

J'ai classé, identifié et dénombré toutes mes exuvies de la saison 2014.

Voici le résultat (par ordre d'apparition, en commençant par les plus précoces):



EspèceExuvies collectées (2014)
TOTALDate (1ère)Date (dernière)
Leucorrhinia intacta702014-05-192014-07-14
Epitheca canis 42014-05-212014-05-26
Epitheca spinigera 312014-05-212014-06-18
Enallagma vernale62014-05-232014-05-23
Basiaeschna janata72014-05-262014-06-30
Gomphus descriptus 132014-05-262014-06-01
Gomphus spicatus 52014-05-262014-05-26
Calopteryx maculata12014-06-01
Epitheca cynosura172014-06-012014-07-03
Lestes dryas142014-06-062014-07-18
Arigomphus cornutus 12014-06-07
Epitheca princeps 392014-06-072014-07-21
Gomphus exilis292014-06-072014-07-21
Libellula quadrimaculata12014-06-07
Didymops transversa 362014-06-082014-07-09
Libellula pulchella72014-06-082014-07-06
Gomphus fraternus742014-06-092014-07-21
Celithemis elisa22014-06-162014-06-16
Gomphus vastus472014-06-182014-07-21
Neurocordulia yamaskanensis 272014-06-182014-07-21
Lestes rectangularis 112014-06-222014-07-16
Libellula luctuosa52014-06-222014-07-22
Sympetrum obtrusum472014-06-222014-08-01
Argia moesta272014-06-232014-07-03
Dromogomphus spinosus3472014-06-232014-07-21
Enallagma signatum 32014-06-232014-07-16
Macromia illinoiensis402014-06-302014-07-21
Plathemis lydia12014-06-30
Hagenius brevistylus 82014-07-012014-07-17
Stylurus notatus4462014-07-012014-07-21
Aeshna constricta 202014-07-122014-08-29
Aeshna umbrosa 22014-07-142014-08-26
Erythemis simplicicollis52014-07-162014-07-22
Pachydiplax longipennis52014-07-162014-07-22
Perithemis tenera262014-07-162014-07-22
Stylurus spiniceps 52014-07-162014-07-17
Boyeria vinosa12014-07-17
Gomphus adelphus12014-07-17
Lestes congener92014-07-182014-08-01
Celithemis eponina302014-07-222014-07-22
Sympetrum vicinum712014-07-222014-08-29
Anax junius 482014-08-262014-08-29


Mise en garde: les nombres ne reflètent pas nécessairement l'abondance réelle. Les dates ne reflètent pas nécessairement la période d'émergence. Ceci n'est que la liste de ce que j'ai ramassé.


Cette année, comme l'an dernier (résultats 2013 ici), le grand gagnant est le Gomphe marqué (Stylurus notatus):



Pouvez-vous croire, malgré les 446 exuvies que j'ai ramassées, je n'ai jamais vu d'adulte mature…

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Quelques mots sur les difficultés que j'ai rencontrées dans le courant de mes identifications d'exuvies.

Malgré beaucoup d'efforts, il y a quelques individus que je ne suis pas parvenu à différencier avec certitude:

  • Sympetrum vicinum vs Sympetrum semicinctum?
  • Leucorrhinia intacta vs Leucorrhinia frigida?
  • Epitheca spinigera vs Epitheca cynosura?
  • Enallagma et Lestes: pas facile en général

La difficulté vient du fait que certains individus ont des caractères à mi-chemin entre 2 espèces. Je vais essayer de démêler ça avec mes collègues plus expérimentés. C'est possible qu'on ne puisse pas tout résoudre avec les exuvies. Heureusement, on peut valider la plupart de nos observation par l'observation d'adultes.

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Prochaine étape du projet:

Mettre ensemble toutes les observations de libellules faites en 2013-2014 sur le territoire de la ville de Gatineau (tous les stades de vie, tous les observateurs). S'il y en a parmi vous qui ont des observations à contribuer, c'est le temps!



mardi 9 décembre 2014

Poils au menton

Cette semaine, j'ai attaqué mes pots d'exuvies identifiés comme "Epitheca sp."

Nous avons dans notre région 2 espèces d'épithèques dont les stades larvaires se ressemblent beaucoup: l'Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura) et l'Épithèque épineuse (Epitheca spinigera). Pour les différencier, on doit compter les soies à l'intérieur du labium. C'est assez fastidieux merci.

La tête d'une exuvie d'épitheque princière (Epitheca princeps), vue de profil. lb: labium (dessin C. Piché)

Labium d'une épithèque princière (Epitheca princeps), vue intérieure avec les palpes déployés.
sp: soies des palpes labiaux; spm: soies du prémentum (dessin C. Piché)



Selon les critères de Needham, Westfall et May (2014), cette platée contiendrait:

  • 1 Epitheca spinigera (7 soies par palpe labial, 11-12 soies de chaque côté du prémentum), 
  • 8 Epitheca cynosura (5-6 soies par palpe labial, 8-10 soies de chaque côté du prémentum) et 
  • 4 Epitheca sp. (caractères intermédiaires, donc identification incertaine):


Elles se ressemblent toutes...L'épithèque épineuse (Epitheca spinigera) est la 2ème à partir de la gauche, dans la 2ème rangée.

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À Gatineau-Ottawa, l'épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura) est commune.

L'épithèque épineuse (Epitheca spinigera) est une espèce plus nordique, considérée peu commune ici. Elle semble cependant avoir connu une très bonne année 2014 si j'en crois le nombre d'exuvies et d'adultes que j'ai vus cet été. Le long hiver et le printemps frisquet leur a peut-être été favorable?

lundi 1 décembre 2014

Branchies rectales

J'ai remarqué une chose aujourd'hui. Mes exuvies ont souvent, à l'intérieur de l'abdomen, un genre de cordon ratatiné.

J'ai sorti le "cordon" et l'ai déplié. Surprise: ce sont de fines membranes transparentes. Branchies rectales! Je ne savais pas qu'elles restaient dans l'exuvie lors de la métamorphose.

Sur la photo (désolée, c'est le mieux que j'ai pu faire):
Une exuvie de Gracieuse (Libellula pulchella)
Contour pointillé jaune: l'emplacement des branchies avant que je les extraie
Flèches jaunes: paquets de branchies déployées en éventail




dimanche 30 novembre 2014

Knox Landing (suite)

Le 25 septembre dernier, j'ai été à Knox Landing (Bristol Mines, QC) (voir ce billet pour plus de détails).

J'avais ramené un pot d'exuvies provenant de cet étang:



Les exuvies étaient sous une souche, à l'abri des intempéries.



J'étais excitée à l'idée d'avoir ramassé, en quelques minutes, un échantillonnage de tout ce qui avait pu émerger hors de l'étang depuis le printemps.


Je n'avais pas eu le temps sur le coup de faire l'identification; cette semaine j'ai eu le temps:

  1. Anax précoce (Anax junius): 2
  2. Aeschne porte-crosses (Aeshna eremita): 4
  3. Cordulie de Shurtleffer (Cordulia shurtleffii): 7
  4. Cordulie écorcée (Dorocordulia libera): 10
  5. Épithèque épineuse (Epitheca spinigera): 23
  6. Julienne (Ladona julia): 1
  7. Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta): 2
  8. Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida?): 1
  9. Sympetrum semi-ambré (Sympetrum semicinctum): 1
  10. Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum): 4

Ce sont toutes des espèces communes dans notre aire géographique et plausibles pour ce genre de milieu. La géologie (dolomite) et la flore de ce lieu sont uniques et dépaysantes, mais l'odonatofaune me semble "normale".

Les 9-10 espèces ne couvrent sans doute pas tout le spectre des Odonates de cet étang. Il est probable que certaines espèces n'utilisent pas les souches renversées comme support d'émergence. Il est aussi probable que les espèces dont les exuvies sont plus fragiles aient été déplacées ou détruites par les intempéries. Et après tout, cette souche ne couvrait qu'environ 2 m de berge...

C'est tout de même une cueillette rapide qui s'est avérée riche en information. Ma paresse naturelle m'amène à penser: pourquoi ne pas installer quelques supports d'émergence artificiels dans des endroits stratégiques que je sais que je ne pourrai pas visiter régulièrement? Une idée à mûrir pendant l'hiver.



mardi 25 novembre 2014

Identification d'exuvies

L'entomologiste qui voit les premiers flocons de neige sait que le temps est venu de faire le ménage dans ses spécimens...

La méthode que j'utilise pour identifier les exuvies d'Odonates:





  1. Je conserve mes exuvies à sec, dans le pot utilisé lors de la cueillette, en attendant de faire l'identification. J'ai tendance à en mettre trop; les exuvies deviennent alors toutes enchevêtrées et ont tendance à se briser.
  2. Avant de faire l'identification, je réhydrate les exuvies pendant quelques minutes dans l'alcool à friction (alcool isopropylique 70%). Elles sont moins fragiles hydratée que sèches.
  3. Je place l'exuvie à identifier dans un plat de petri rempli d'eau. Avant, je les mettais dans l'alcool, mais les vapeurs me montaient à la tête…
  4. Je m'installe à la loupe binoculaire. Je préfère le grossissement 20x et, comme les exuvies sont pour la plupart translucides, j'utilise surtout l'éclairage par le dessous. 
  5. Je nettoie l'exuvie à l'aide d'une petite brosse (petit pinceau dont j'ai coupé les poils très court, environ 2mm) et d'une pince fine. Au besoin, j'utilise aussi des aiguilles entomologiques. 
  6. J'utilise 2 ouvrages pour l'identification: Needham et al. et Walker (références complètes ici). Ce ne sont pas des ouvrages faciles. Quand je suis sûre à environ 75%, j'inscris le nom avec un point d'interrogation. Quand je suis sûre à, mettons, 95%, je ne mets pas de point d'interrogation, mais l'erreur est toujours possible… Pour les espèces rares ou surprenantes, en particulier celles pour lesquelles je n'ai pas observé d'adulte, je demande l'avis d'un expert.


Le classement des spécimens est toujours un défi. Je mets la plupart de mes spécimens dans des vials à scintillation recyclés. Je conserve mes exuvies dans l'alcool ou à sec. Je rempli mes étiquettes à la main, avec un crayon au graphite. Il s'agit d'une collection de travail que je ne pense pas conserver à long terme, ni donner à un musée. Je garde tous ces spécimens pour un projet d'inventaire qui est en cours uniquement.

 


J'ai mis de côté quelques spécimens de chaque espèce pour ma collection de référence. Pour cette collection, j'ai utilisé des vials avec bouchons en borosilicate. L'alcool ne s'évaporera pas. J'ai aussi soigné davantage ma calligraphie. J'ai fait vérifier l'identification de plusieurs de ces spécimens par un spécialiste (Raymond Hutchinson). J'ai l'intention de garder cette collection à long terme, c'est un outil très utile pour l'identification.

Je rappelle en terminant que je ne suis pas une entomologiste professionnelle. J'ai partagé avec vous mes méthodes de naturaliste-maison.