lundi 30 mai 2016

Gomphes de nénuphars

Nous continuons nos efforts d'inventaire dans le parc de la Gatineau. J'étais hier au lac Fortune, alimenté par un ruisseau à cours lent entrecoupé de barrages et d'étangs de castor. Je me suis attardée dans une petite section au pied d'un barrage, où il y avait beaucoup de nénuphars. 


J'ai trouvé les exuvies de 3 espèces de gomphes sur les nénuphars:

Gomphus borealis

Arigomphus cornutus

De gauche à droite: 2 Arigomphus cornutus, 1 Gomphus borealis, 1 Gomphus spicatus

J'ai confirmé l'identification des exuvies par l'observation d'adultes:

Émergence de Gomphe cornu (Arigomphus cornutus):




Gomphe pointu (Gomphus spicatus)- le gomphe de loin le plus abondant aujourd'hui.

Gomphe boréal (Gomphus borealis)

Liste des espèces observées (lac et étangs de castor):

Chromagrion conditum (tandems)
Coenagrion resolutum (tandems)
Enallagma annexum ou vernale (tandems)
Ischnura verticalis
Nehalennia irene
Anax junius
Arigomphus cornutus (émergence)
Gomphus borealis (patrouille)
Gomphus spicatus (patrouille)
Cordulia shurtleffii (patrouille)
Dorocordulia libera (patrouille)
Epitheca spinigera (exuvies seulement)
Ladona julia (des centaines en reproduction)
Libellula quadrimaculata (des dizaines en reproductions)
Leucorrhinia sp. (émergences; frigida ou intacta)
Leucorrhinia frigida


jeudi 26 mai 2016

spicatus vs borealis

Suite à mon excursion du 23 mai, je sentais une petite confusion entre 2 gomphes dont les exuvies se ressemblent beaucoup: le gomphe pointu (Gomphus spicatus) et le gomphe boréal (Gomphus borealis). Le gomphe boréal est une espèce que je n'avais jamais rencontrée.

Je suis donc retournée au parc de la Gatineau pour la 4ème fois cette semaine, à l'étang de castor situé près du stationnement P8. Équipée cette fois d'un filet aérien. Je suis maintenant convaincue que les 2 espèces sont présentes sur le site.

G. borealis femelle:



G. spicatus femelle:











Les exuvies côte-à-côte. G. spicatus est plus gros et les épines latérales du segment abdominal 9 (S9) sont proportionnellement plus longues. La différence a l'air évidente sur la photo, mais ce n'est pas si évident que ça lorsqu'on manque de spécimens de référence.
G. spicatus et G. borealis
On trouve les exuvies très près de la ligne d'eau et souvent flottant dans l'eau. J'ai trouvé la plus grande quantitié d'exuvies de G. spicatus parmi les débris végétaux, près de la berge d'un grand étang de castor. Sur la photo, on voit aussi une exuvie d'Arigomphus cornutus, qui est sorti quelques jours plus tard dans le même milieu:


J'ai trouvé la plupart de mes exuvies de G. borealis dans la décharge de l'étang principal, un ruisseau à cours lent entrecoupé de quelques barrages; y'a du castor par ici mes amis. Sur la photo on voit 2 exuvies de G. borealis, l'une accrochée sur le barrage de castor, l'autre flottante.


Voilà, j'ai démêlé mes gomphes printaniers.

mercredi 25 mai 2016

Émergence de masse

Hier je suis tombée sur une émergence massive, ridicule, totalement EXAGÉRÉE. Des paquets de libellules qui sortaient en même temps. La végétation en était couverte sur toute la berge, et ce apparemment sur tout le périmètre de l'étang de castor (1 km, calculé sur GoogleEarth). Je n'ai jamais vu une chose pareille.






C'était l'épithèque épineuse (Spiny baskettail, Epitheca spinigera). J'ai vu des oiseaux qui en mangeaient, mais le plus excitant a été de voir 3 loutres, dont l'une "sautait" dans les quenouilles pour en attraper. Hé, c'est pas mal plus gracieux quand ça nage que quand ça saute, une loutre.
(Parc de la Gatineau, étang près de P8, 24-05-2016).

lundi 23 mai 2016

Ruisseau Chelsea

Promenade dans le ruisseau près de P8 (Parc de la Gatineau), sans filet, mais avec 'chest waders'.

Il fait beau, il fait chaud.

En vol: des épithèques (Epitheca sp.), des cordulies de Shurtleffer (Cordulia shurtleffi) et 1 anax (Anax junius).

En émergence dans la portion sableuse:

Gomphe descriptif (Gomphus decriptus)- beaucoup en train de sortir à 11h-midi


Aeschne printanière (Basiaeschna janata)- 1 seule trouvée, sortie à 11h


En émergence dans une portion à fond mou (amont d'un barrage de castor):

Gomphe pointu (Gomphus spicatus)- beaucoup d'exuvies et des adultes ténéraux dans les herbes; l'émergence a dû avoir lieu plus tôt ce matin. Note à moi même: attention avec les exuvies, G. spicatus et G. borealis se ressemblent beaucoup. RE-NOTE: Après examen, je pense que mes exuvies étaient des G. borealis. Voir avec Raymond et Benoît. Retourner à ce site pour voir des adultes.









et beaucoup d'agrions en train de sortir, d'après les exuvies je dirais l'agrion printanier (Enallagma vernale).

Photo du site:
portion sableuse

portion swompeuse. Les exuvies de G. spicatus étaient sur le barrage de castor (à gauche de la photo)



vendredi 20 mai 2016

Émergences (enfin)

Je pense que ce sont l'épithèque épineuse (Epitheca spinigera) et la leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta); à confirmer plus tard avec les exuvies (CONFIRMÉ). Les quiscales, les carouges et les bernaches en ont mangé beaucoup ce matin (marais Lamoureux, Gatineau).

Voilà un scénario qui rappelle celui du 21 mai 2014 (billet ici)! En 2014, le printemps avait été tardif, comme cette année.

Leucorrhine mouchetée



Épithèque épineuse










jeudi 12 mai 2016

Libellules en retard

Les libellules sont en retard cette année.

En 2015, on voyait l'anax précoce (Common Green Darner, Anax junius) à Gatineau le 29 avril. En 2014, année où le printemps fut particulièrement tardif, on en voyait le 10 mai. Cette année, on n'a pas encore vu cette libellule migratrice. À ma connaissance, les collègues d'Ottawa non plus.

Pour ce qui est de nos libellules locales: je n'ai encore rien vu émerger de mon "étang-témoin", le marais Lamoureux, ni trouvé d'exuvie. Les épithèques canines ont-elles raté leur coup cette année?? 
J'ai toutefois vu aujourd'hui une petite cordulie dans une clairière du parc de la Gatineau, probablement une cordulie écorcée (racket-tailed emerald, Dorocordulia libera).

Bizarre de printemps.

vendredi 22 avril 2016

LA VIE SECRÈTE ET MÉCONNUE DE LA DEMOISELLE, AMPHIAGRION SAUCIUM (BURMEISTER) (ODONATA : COENAGRIONIDAE)

Raymond Hutchinson (RH) et Benoît Ménard (BM)

Intro.

De nombreux entomologistes et naturalistes, surtout les débutants, ont une préférence marquée pour les libellules de bonne taille, surtout les anisoptères. Les petites espèces, notamment dans le sous-ordre des zygoptères, peuvent ainsi demeurer méconnues. Pourtant, leur vie reste secrète dans la mesure où peu d'entomologistes s'attardent à repérer les individus en nature pour ensuite consacrer du temps à la découverte de leurs habitats, leurs observations  et à l'étude de leurs mœurs qui peuvent se révéler fascinantes.

Bien que la découverte de petites populations d'A saucium ne soit pas si rare, les repérer dans la nature n'est pas si fréquent. Pilon et Lagacé (1998) mentionnent tout-de-même un peu plus d'une quarantaine de sites de captures pour l'ensemble du Québec.

Pour nous, l'intérêt principal de cette espèce de demoiselle, dont les adultes marient le rouge et le bleu avec élégance, reste les particularités de leurs différents habitats et micro-habitats où nous avons trouvé des individus et c'est l'objet du présent article de les détailler quelque peu.  Nous en présentons les différentes modalités (différents aspects) pour enfin dégager quelques points communs de tous ces sites. Nous énumérons les lieux d'observations et de captures en commençant par nos visites les plus récentes jusqu'aux plus reculées dans le temps.

Nos sites de rencontres


Le 4 juillet 2015, nous étions dans une grande sablière de formation récente, à environ 4 km de Plaisance, à côté de la rivière Petite-Nation. Nous avons capturé six adultes, mâles et femelles. Ils survolaient un long et très étroit filet d'eau, allongé sur le sable, quelque peu mouvant, une eau au courant à peine perceptible. Curieusement, nous pouvions enfoncer dans le sable, un peu boueux du ruisselet jusqu'aux genoux. Nous n'avons pu pêcher une seule naïade d'A. saucium.  Aucune autre espèce d'odonate n' a été observée en ces lieux.  Le biotope avait à peine assez d'eau pour la vie larvaire d'un odonate.  

R.H. au ruisselet de la grande sablière au nord de Plaisance (Outaouais, Qc)

2. Site de Plaisance, tandem mâle-femelle au sol

2.  Le 26 mai 2012, nous nous trouvions dans un champ ensoleillé, à côté d'une ancienne sablière, à Quyon, dans l'Outaouais québécois. Le champ jouxtait une sablière, mais formait un site, distinct de celle-ci. Dans ce biotope, RH a récolté neuf naïades d'Amphiagrion saucium et BM en a prélevé une quinzaine. Ces naïades de demoiselles avaient investi un ruisselet d'à peine quelques centimètres de largeur (1 à 2 pieds), au courant modéré en de nombreux endroits. Le substrat du ruisselet était un mélange d'argile ou de boue mêlé à du sable avec des plantes aquatiques immergées ressemblant à des brins d'herbes. L'eau était plutôt froide, malgré que le ruisselet coulait en plein soleil.  Son alimentation par une source souterraine expliquait sans doute la froideur de l'eau.

Pour récolter des larves d'Amphiagrion, BM ''écrémait '' un secteur du ruisselet, à fond boueux-sablonneux et attendait que les naïades émergent en se tortillant de cette matière terreuse dans le filet aquatique. BM les cueillait avec des brucelles. Dans ce ruisselet, les organismes suivants furent observés : des Asellidae (Crustacés), des Amphipodes (Crustacés), de petits dytiques (Coléoptères) et même une épinoche (poisson). Au final, sur environ 25 naïades observées, RH en a rapportées neuf. Le ruisselet est une extension de celui qui coule à peine dans le boisé de la sablière constitué de boue, d'accumulation de feuilles mortes, où une larvule de Cordulegaster maculata fur pêchée.  Voir photos du biotopes et des Amphiagrion saucium.  

3. larve vivante d'Amphiagrion saucium provenant de Quyon, Qc, en captivité

4. petit ruisseau à Quyon, Qc.

5.  Aperçu de plantes aquatiques du biotope de Quyon

3.  Un séjour de RH à Maria, chez un ami, Gilbert Bélanger, a permis lors d'une excursion de découvrir un fossé, à côté d'une voie ferrée, à Maria dans la Baie-des-Chaleurs (Gaspésie-sud).  L'essentiel des données de cette excursion est publié dans un article antérieur (Hutchinson et Bélanger, 1996). En bref, nous explorions un fossé presque totalement dépourvu d'eau. Une certaine humidité était maintenue par l'abondance de plantes aquatiques quoiqu' asséchées en surface, sur le dessus, mais le dessous des plantes maintenu mouill dans l'interface, sol mouillé- surface inférieure des plantes. C'est là que se trouvaient les naïades ou larves d'Amphiagrion saucium que nous avons observées, quelques unes ayant été cueillies pour fins de collection. En bref, ces organismes aquatiques vivaient dans un biotope à peu près dépourvu d'eau, fait à retenir.

4.  Au cours des années 2000 à 2014, comme animateur d'un camp d'initiation à l'écologie à Port-au-Saumon (Charlevoix-Est), il fut donné à RH de visiter une sablière, à Sainte-Mathilde (Charlevoix-Est). A trois ou quatre reprises, nous avons observé de un à quatre individus adultes d'A. saucium qui volaient à ras de sol, autour et parfois, au-dessus de filets d'eau, probablement d'origine sourceuse,  qui s'épanchaient sur un sol sablonneux. Certaines années, l'espèce semblait absente, d'autres années, quelques individus étaient repérés.  

5.  Au cours des années 70, RH avait découvert un fossé de bord de route à Port-au-Saumon (Charlevoix-Est), où quelques individus survolaient discrètement le milieu à ras de sol, se frayant un chemin de survol parmi quelques quenouilles et plantes aquatiques. Malheureusement,  des travaux de construction ont modifié le parcours de la route 138, devant l'entrée du camp Ère de l'estuaire au moyen d'une déviation en détruisant le biotope des A. saucium. Voir Hutchinson (1991, 1992) pour des détails additionnelles.

Perspectives

Il est intéressant de comparer nos habitats à ceux de Walker (1953) et de Paulson (2013). Le premier auteur cité ci-dessus précise que A. saucium vit dans des tourbières alimentées par des sources et des ''coulées'' de ces eaux sourceuses.  Il précise que ces eaux sont issues de sol forestier et se frayent un chemin à travers le sable en direction d'un lac.  Quant au deuxième auteur, l'espèce est établie dans des marais à  carex, et peut s'observer au-dessus de suintements provenant de cours d'eau, ou de tourbières acides. Nous croyons très utiles d'ajouter nos habitats comme connaissances complémentaires permettant la découverte de populations souvent modestes de cette espèce de zygoptère de notre odonatofaune.

 Parmi les faits à retenir mentionnons les affinités de cette espèce d'odonates avec les eaux sourceuses, leur vol souvent bas et discrets, et leur taille modeste, bien que l'amalgame de rouge et de bleu de leur thorax et de leur abdomen devrait faciliter leur repérage dans leur milieu de vie.   

Littérature entomologique citée

Hutchinson, R. 1991. Précision sur un habitat d'Amphiagrion saucium Burmeister (sic) (Odonata : Zygoptera  Coenagrionidae. Fabreries 16 : 101-104. (9 juillet 1981, voir Liste annotée 1992, idem)

Hutchinson, R. 1992. Liste annotée des odonates de Charlevoix-Est, Québec. Fabreries 17 : 97-124. (9 juillet 1981, Port-au-Saumon, herbes humides à côté d'un fossé de bord de route).

Hutchinson, R. & G. Bélanger. 1996.  Découverte d'Amphiagrion saucium  Burmeister (sic) (Odonata: Zygoptera) dans le comté de Bonaventure en Gaspésie, Québec. Fabreries 21 : 25.

Ménard, B. 1996. Liste annotée des odonates de l'Outaouais. Fabreries 21 : 29-61.

Paulson, D. 2013. Dragonflies and Damselflies of the East.   Princeton Field Guides. Princeton University Press. 538 pages. 

Pilon, J.G. & D. Lagacé. 1998.  Les odonates du Québec. Traité faunistique. Entomofaune du Québec (EQ) Inc. Chicoutimi Québec.  367 pages. (Au moins 40 localités et plus).

Walker, E.M. 1953. The Odonata of Canada and Alaska.  Volume 1. The Zygoptera. University of Toronto Press, Toronto. 292 pages.

Photos de Plaisance - le milieu et les Amphiagrion
Photos de Quyon - le milieu et les Amphiagrion


Raymond Hutchinson et Benoît Ménard