jeudi 3 octobre 2013

Forêt Boucher: bilan de saison 2013

Le 5 septembre, la ville de Gatineau a annoncé la création du parc de la Forêt Boucher!

La Ville a attribué un zonage récréatif à cette forêt d'environ 700 acres et a affirmé sa volonté de la protéger et de la mettre en valeur pour les générations futures. Bravo! Bien sûr, des sceptiques pourraient rappeler que le ministère des transports possède tout le centre de cette grande forêt et projette d'y construire une autoroute. D'autres trouble-fêtes pourraient aussi critiquer la notion de "mise en valeur" de la ville (cabane à sucre, tour d'observation, grande patinoire, parc à chiens sans laisse, etc).

Mais ne soyons pas cyniques, et enchaînons avec le sommaire des libellules que j'ai vues dans la Forêt Boucher au cours de la saison:

Tout d'abord, la rarissime Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata):

Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata) femelle, le 4 juin 2013 (en compagnie de Nathalie Bussières)

Ça m'énerve quand on me demande: pis, as-tu vu quèqu'chose de rare? Je vous le dis tout de suite: la seule espèce de libellule vraiment rare que j'ai vue cet été, c'est celle-là. L'Aeschne pygmée est considérée rare dans l'ensemble de son aire de répartition. Susceptible d''être désignée menacée ou vulnérable au Québec. Elle a un statut d'espèce vulnérable, en péril ou sévèrement en péril dans 25 états américains. Rare au possible. Pourquoi est-elle si rare? Peut-être parce qu'elle vit dans les tourbières et les marécages forestiers, des habitats peu communs et peu protégés.

Une fois évacuée la question de la rareté, la question suivante est souvent: t'en a tu vu beaucoup?  J'ai vu au moins 24 espèces.  Pas beaucoup comparativement aux quelques 125 espèces qui ont été répertoriées dans la région de l'Outaouais. Tout de même pas mal pour un territoire pourvu uniquement, en terme de milieu humide, de mares, d'étangs temporaires et de ruisseaux/fossés de drainage.

Quelques photos (en ordre chronologique; certaines sont reprises de billets précédents): 

Lydienne (Plathemis lydia), mâle immature (3 juin 2013)
Lydienne (Plathemis lydia), femelle immature (3 juin 2013)

Gomphe exilé (Gomphus exilis), femelle immature (3 juin 2013)

Anax précoce (Anax junius) (3 juin 2013)

Quadrimaculée (Libellula quadrimaculata), immature (4 juin 2013)


Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura) (4 juin 2013)
 Épithèque canine (Epitheca canis) (4 juin 2013)
Julienne (Ladona julia), femelle immature (5 juin 2013)

Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida) femelle (5 juin 2013)


Cordulie écorcée (Dorocordulia libera) (14 juin 2013)

Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata) mâle (14 juin 2013)

Leste à forceps (Lestes forcipatus), femelle ténérale tout juste émergée d'une ornière (19 juin 2013)

Leste dryade (Lestes dryas) mâle, parasité par des mites d'eau (11 juillet 2013)


Sympétrum intime (Sympetrum internum) (25 septembre 2013)
Leste tardif (Lestes congener) femelle (25 septembre 2013)

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La forêt Boucher est immense. Je suis loin d'en avoir exploré tous les coins. Voici quelques photos des habitats que j'ai visité régulièrement durant la saison 2013. Vous remarquerez qu'ici, on passe vite de l'extrêmement sec à l'extrêmement humide.

Premièrement, mon "sentier à libellules". C'est le prolongement du chemin Antoine Boucher.

14 juin: très riche en libellules immatures

25 septembre: plus rien


Au bout du sentier, le champ sec. Un terrain de chasse pour les libellules.

4 juin 2013. Nathalie Bussières en chasse.

Au bout du champ, on monte une petite butte et on se retrouve sur la lune:


Il y a ici une cuvette qui a été remplie d'eau pendant une bonne partie de la saison. J'y ai cherché des larves, mais n'en ai trouvé aucune.

14 juin 2013: la cuvette est patrouillée par 2 Lydiennes.
20 août 2013: la cuvette est maintenant sèche.

25 septembre 2013: des Sympétrums tardifs pondent dans la cuvette à nouveau remplie d'eau.


On revient sur nos pas. On s'enfonce maintenant au nord du chemin Antoine-Boucher. Techniquement, nous voici donc en dehors du parc de la Forêt-Boucher. Le sentier est emprunté par les VTT, qui y creusent de profondes ornières. Ces ornières sont demeurées emplies d'eau jusqu'en juillet. J'ai constaté avec surprise que ces mares temporaires abritaient une faune très riche (crapauds, tritons, grenouilles des bois et, du côté des libellules, des larves de quelques espèces de Sympétrums et Lestes, des Lydiennes, Gracieuses, Quadrimaculées et Épithèques en patrouille). Ça fait beaucoup de monde dans une flaque d'eau!

3 juin

Enfin, on arrive dans l'habitat le plus spectaculaire du coin: le marécage forestier. Une somptueuse "swompe", grouillante de vie. S'aventurer ici, c'est risquer de s'y perdre et de s'y enliser à tout jamais. C'est aussi découvrir un lieu empreint de beauté et de mystère. Magique.

Quelques photos. En commençant par un magnifique étang temporaire (vernal pond):

3 juin: de l'eau aux cuisses

20 août: presque plus d'eau

L'étang est entouré de forêt plus ou moins inondée dépendant de la saison. Certains secteurs sont dominés par le Thuya occidental:

30 avril: beaucoup de canards et des crevettes éphémères.

3 juin: beaucoup de maringouins

 D'autres secteurs sont dominés par l'Érable argenté et le Frêne noir:



11 juillet:
Ce jour-là j'ai vu une Aeschne de taille modeste et de couleur terne qui sondait les billots  avec son ovipositeur.  L'Aeschne pygmée? Fort possible.


20 août: presque sec

L'immense marécage forestier est situé au nord du parc, probablement hors-limite.

Il y a d'autres milieux humides dans la forêt Boucher, entre autres un grand marais herbeux et un ruisseau/fossé dans la partie sud du parc. Je n'ai fait que passer dans ces milieux. Ce serait certainement intéressant de les visiter plus régulièrement lors d'une prochaine saison.

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En résumé, la Forêt Boucher est pourvue d'une grande variété d'étangs vernaux, certains en milieu ouverts (cuvettes, ornières), certains en milieu forestier. Les scientifiques s'intéressent de plus en plus à ce type de milieux humides mal aimés (des "trous à bébittes"), mal protégés, mais qui sont les hôtes d'une flore et d'une faune vraiment uniques. L'inventaire préliminaire des libellules de la Forêt Boucher a confirmé la richesse de ses étangs vernaux, notamment par la découverte d'une libellule très rare, l'Aeschne pygmée. Il est à espérer que la création du parc municipal de la Forêt Boucher, annoncée le 5 septembre dernier par la ville de Gatineau, permettra de protéger la biodiversité de ces habitats et de les faire connaître et aimer de ses citoyens.


Liste préliminaire des espèces vues dans la Forêt Boucher au cours de la saison 2013:

Leste dryade (Lestes dryas)
Leste disjoint (Lestes disjunctus)
Leste à forceps (Lestes forcipatus)
Leste élancé (Lestes rectangularis)
Agrion boréal (Enallagma boreale)
Agrion résolu (Choenagrion resolutum)
Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata)
Aeschne constrictor (Aeshna constricta)
Anax précoce (Anax junius)
Gomphe exilé (Gomphus exilis)
Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata)
Cordulie écorcée (Dorocordulia libera)
Épithèque canine (Epitheca canis)
Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura)
Macromie brune (Didymops transversa)
Lydienne (Plathemis lydia)
Julienne (Ladona julia)
Quadrimaculée (Libellula quadrimaculata)
Gracieuse (Libellula pulchella)
Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta)
Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida)
Sympétrum intime (Sympetrum internum)
Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)
Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)

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Localisation:

Emplacement de la Forêt Boucher et points d'accès (Google map)


Emplacement des sites que j'ai visités (Google Earth):




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Sources:




lundi 30 septembre 2013

Merci!

Déjà fini...

Je continue d'aller me promener, mais il n'y a plus beaucoup de libellules. Il est temps de faire du ménage dans mes exuvies. De les trier, les identifier, les dénombrer et les mesurer. De finaliser mes fiches de terrain et de les envoyer à Michel Savard, pour l'Atlas des libellules du Québec. D'écrire un compte-rendu pour la Commission de la capitale nationale (ccn) et pour la ville de Gatineau, qui sont propriétaires des sites que j'ai inventoriés cet été.

Je vais continuer d'écrire des billet dans ce blog, mais la formule sera différente. Fini pour la saison, les compte-rendus d'excursions. Les bilans et l'interprétation des résultats seront à l'honneur.






Je profite de l'occasion pour remercier mes lecteurs, en particulier ceux qui ont pris la peine de m'écrire des encouragements. Ça été une partie du projet que j'ai trouvé très stimulante.

Merci aussi à la famille et aux amis qui m'ont accompagné en excursion et sans qui je serais passé à côté de plein de belles choses!

Merci à Raymond Hutchinson, un mentor passionné et tellement généreux.

Merci à mes amis virtuels, en particulier les membres du groupe Facebook "Northeast Odonata". C'était fantastique de pouvoir partager des observations et poser des questions à d'autres mordus de libellules d'Amérique du nord. Les libellules n'ont pas de frontière.

Merci aux gens que j'ai rencontré au hasard de mes promenades. Les échanges avec vous ont été le sel de ma saison de libellule. Échanges parfois surréalistes, parfois cocasses, mais toujours agréables. J'ai été très touchée de voir tous ces gens intéressés et de toute évidence profondément attachés à nos coins de nature en milieu urbain.

J'ai vu: quantité de pêcheurs de tout âge et de toute origine, quantité de naturalistes, dont 2 entomologistes rencontrés par hasard à 3 reprises, au milieu du bois. Des amérindiennes qui faisaient un rituel avec des tambours. Des types qui cherchaient du métal. Des jeunes qui campaient et jouaient de la flûte autours d'un petit feu. Des artistes graffiteurs. Des canoteurs, des kayakistes. Un arabe qui regardait un coucher de soleil. Des enfants avec des cerf-volants. Des baigneurs. Des cyclistes en veux-tu en v'la. etc etc.

Il y a eu aussi les sangsues, l'herbe à puce, quelques chiens sans laisse avec propriétaires irresponsables, une dermatite et des millions de mouches et moustiques. Des inconvénients bien minces en comparaisons des belles aventures que j'ai connues dans nos marécages urbains.


(photo: Philippe Dussault)

Merci!
L'aventure continue!

mardi 24 septembre 2013

Automne

Hier, un front froid est arrivé par chez nous. Notre colonie locale de 'birders' était sur un pied d'alerte: oiseaux rares en perspective! Un endroit bien aimé de nos sympathiques ornithologues est la Baie Simard, une halte migratrice sur la Rivière des Outaouais. 


J'y suis allée aujourd'hui, en me disant que j'allais peut-être, enfin, apercevoir de ces libellules migratrices des genres Pantala et Tramea, que plusieurs ont vues à Ottawa et dans diverses localités du sud du Québec, dont Gatineau, mais dont je n'ai jamais vu l'ombre... Hé non. Par contre, j'ai revu quelques espèces de libellules, des vieilles habituées de la Baie Simard, encore en vol. En petit nombre, sauf les Sympétrums tardifs (Sympetrum vicinum) qui pullullent et pondent encore frénétiquement malgré les basses températures. 

Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)

Agrion exilé (Enallagma exsulans)

Argie svelte (Argia moesta) femelle de forme bleue

Anax précoce (Anax junius) très bien camouflé. C'est un mâle immature en migration vers le sud.


Liste des espèces vues aujourd'hui:

Leste élancé (Lestes rectangularis)- 1 femelle âgée
Agrion exilé (Enallagma exsulans)- 1 couple
Argie svelte (Argia moesta)- 1 femelle, forme bleue
Anax précoce (Anax junius)- 1 mâle immature
Aeschne des pénombres (Aeshna umbrosa)- 1
Lydienne (Plathemis lydia)- 1 mâle
Érythème des étangs (Erythemis simplicicollis)- 1 mâle
Sympétrum semi-ambré (Sympetrum semicinctum)- 5-10
Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)-20-30, couples
Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)- Pullulation, multitude de couples en ponte

Référence:
Club des ornithologues de l'Outaouais, 2008. Guide des sites d'observation des oiseaux de l'Outaouais, 2ème édition. ISBN 978-2-9800194-4-9.

mardi 17 septembre 2013

Deschênes

Au bout de la rue Deschênes, une grille est ouverte:






Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)


Le sentier nous mène à la rivière des Outaouais:


Aeschne constrictor (Aeshna constricta)

Anax précoce (Anax junius) tout frais

Aeschne du Canada (Aeshna canadensis)

Aeschne du Canada (Aeshna canadensis)

 Entre l'orpin et la ciboulette

Listes des espèces vues aujourd'hui:

Leste élancé (Lestes rectangularis)
Agrion vertical (Ischnura verticalis)
Argie svelte (Argia moesta)
Aeschne constrictor (Aeshna constricta)
Aeschne des pénombres (Aeshna umbrosa)
Aeschne du Canada (Aeshna canadensis)
Anax précoce (Anax junius) - groupe de 20-30 immatures en chasse dans le pré
Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)
Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)
Sympétrum semi-ambré (Sympetrum semicinctum)