Le 5 septembre, la ville de Gatineau a annoncé la création du parc de la Forêt Boucher!
La Ville a attribué un zonage récréatif à cette forêt d'environ 700 acres et a affirmé sa volonté de la protéger et de la mettre en valeur pour les générations futures. Bravo! Bien sûr, des sceptiques pourraient rappeler que le ministère des transports possède tout le centre de cette grande forêt et projette d'y construire une autoroute. D'autres trouble-fêtes pourraient aussi critiquer la notion de "mise en valeur" de la ville (cabane à sucre, tour d'observation, grande patinoire, parc à chiens sans laisse, etc).
Mais ne soyons pas cyniques, et enchaînons avec le sommaire des libellules que j'ai vues dans la Forêt Boucher au cours de la saison:
Tout d'abord, la rarissime Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata):
Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata) femelle, le 4 juin 2013 (en compagnie de Nathalie Bussières) |
Ça m'énerve quand on me demande: pis, as-tu vu quèqu'chose de rare? Je vous le dis tout de suite: la seule espèce de libellule vraiment rare que j'ai vue cet été, c'est celle-là. L'Aeschne pygmée est considérée rare dans l'ensemble de son aire de répartition. Susceptible d''être désignée menacée ou vulnérable au Québec. Elle a un statut d'espèce vulnérable, en péril ou sévèrement en péril dans 25 états américains. Rare au possible. Pourquoi est-elle si rare? Peut-être parce qu'elle vit dans les tourbières et les marécages forestiers, des habitats peu communs et peu protégés.
Une fois évacuée la question de la rareté, la question suivante est souvent: t'en a tu vu beaucoup? J'ai vu au moins 24 espèces. Pas beaucoup comparativement aux quelques 125 espèces qui ont été répertoriées dans la région de l'Outaouais. Tout de même pas mal pour un territoire pourvu uniquement, en terme de milieu humide, de mares, d'étangs temporaires et de ruisseaux/fossés de drainage.
Quelques photos (en ordre chronologique; certaines sont reprises de billets précédents):
Quelques photos (en ordre chronologique; certaines sont reprises de billets précédents):
Lydienne (Plathemis lydia), mâle immature (3 juin 2013) |
Lydienne (Plathemis lydia), femelle immature (3 juin 2013) |
Gomphe exilé (Gomphus exilis), femelle immature (3 juin 2013) |
Anax précoce (Anax junius) (3 juin 2013) |
Quadrimaculée (Libellula quadrimaculata), immature (4 juin 2013) |
Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura) (4 juin 2013) |
Épithèque canine (Epitheca canis) (4 juin 2013) |
Julienne (Ladona julia), femelle immature (5 juin 2013) |
Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida) femelle (5 juin 2013) |
Cordulie écorcée (Dorocordulia libera) (14 juin 2013) |
Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata) mâle (14 juin 2013) |
Leste à forceps (Lestes forcipatus), femelle ténérale tout juste émergée d'une ornière (19 juin 2013) |
Leste dryade (Lestes dryas) mâle, parasité par des mites d'eau (11 juillet 2013) |
Sympétrum intime (Sympetrum internum) (25 septembre 2013) |
Leste tardif (Lestes congener) femelle (25 septembre 2013) |
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Premièrement, mon "sentier à libellules". C'est le prolongement du chemin Antoine Boucher.
14 juin: très riche en libellules immatures |
25 septembre: plus rien |
Au bout du sentier, le champ sec. Un terrain de chasse pour les libellules.
4 juin 2013. Nathalie Bussières en chasse. |
Il y a ici une cuvette qui a été remplie d'eau pendant une bonne partie de la saison. J'y ai cherché des larves, mais n'en ai trouvé aucune.
14 juin 2013: la cuvette est patrouillée par 2 Lydiennes. |
20 août 2013: la cuvette est maintenant sèche. |
25 septembre 2013: des Sympétrums tardifs pondent dans la cuvette à nouveau remplie d'eau. |
On revient sur nos pas. On s'enfonce maintenant au nord du chemin Antoine-Boucher. Techniquement, nous voici donc en dehors du parc de la Forêt-Boucher. Le sentier est emprunté par les VTT, qui y creusent de profondes ornières. Ces ornières sont demeurées emplies d'eau jusqu'en juillet. J'ai constaté avec surprise que ces mares temporaires abritaient une faune très riche (crapauds, tritons, grenouilles des bois et, du côté des libellules, des larves de quelques espèces de Sympétrums et Lestes, des Lydiennes, Gracieuses, Quadrimaculées et Épithèques en patrouille). Ça fait beaucoup de monde dans une flaque d'eau!
3 juin |
Enfin, on arrive dans l'habitat le plus spectaculaire du coin: le marécage forestier. Une somptueuse "swompe", grouillante de vie. S'aventurer ici, c'est risquer de s'y perdre et de s'y enliser à tout jamais. C'est aussi découvrir un lieu empreint de beauté et de mystère. Magique.
Quelques photos. En commençant par un magnifique étang temporaire (vernal pond):
3 juin: de l'eau aux cuisses |
20 août: presque plus d'eau |
L'étang est entouré de forêt plus ou moins inondée dépendant de la saison. Certains secteurs sont dominés par le Thuya occidental:
30 avril: beaucoup de canards et des crevettes éphémères. |
3 juin: beaucoup de maringouins |
D'autres secteurs sont dominés par l'Érable argenté et le Frêne noir:
11 juillet: Ce jour-là j'ai vu une Aeschne de taille modeste et de couleur terne qui sondait les billots avec son ovipositeur. L'Aeschne pygmée? Fort possible. |
20 août: presque sec |
L'immense marécage forestier est situé au nord du parc, probablement hors-limite.
Il y a d'autres milieux humides dans la forêt Boucher, entre autres un grand marais herbeux et un ruisseau/fossé dans la partie sud du parc. Je n'ai fait que passer dans ces milieux. Ce serait certainement intéressant de les visiter plus régulièrement lors d'une prochaine saison.
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En résumé, la Forêt Boucher est pourvue d'une grande variété d'étangs vernaux, certains en milieu ouverts (cuvettes, ornières), certains en milieu forestier. Les scientifiques s'intéressent de plus en plus à ce type de milieux humides mal aimés (des "trous à bébittes"), mal protégés, mais qui sont les hôtes d'une flore et d'une faune vraiment uniques. L'inventaire préliminaire des libellules de la Forêt Boucher a confirmé la richesse de ses étangs vernaux, notamment par la découverte d'une libellule très rare, l'Aeschne pygmée. Il est à espérer que la création du parc municipal de la Forêt Boucher, annoncée le 5 septembre dernier par la ville de Gatineau, permettra de protéger la biodiversité de ces habitats et de les faire connaître et aimer de ses citoyens.
Liste préliminaire des espèces vues dans la Forêt Boucher au cours de la saison 2013:
Leste dryade (Lestes dryas)
Leste disjoint (Lestes disjunctus)
Leste à forceps (Lestes forcipatus)
Leste élancé (Lestes rectangularis)
Agrion boréal (Enallagma boreale)
Agrion résolu (Choenagrion resolutum)
Aeschne pygmée (Gomphaeschna furcillata)
Aeschne constrictor (Aeshna constricta)
Anax précoce (Anax junius)
Gomphe exilé (Gomphus exilis)
Cordulégastre maculé (Cordulegaster maculata)
Cordulie écorcée (Dorocordulia libera)
Épithèque canine (Epitheca canis)
Épithèque à queue de beagle (Epitheca cynosura)
Macromie brune (Didymops transversa)
Lydienne (Plathemis lydia)
Julienne (Ladona julia)
Quadrimaculée (Libellula quadrimaculata)
Gracieuse (Libellula pulchella)
Leucorrhine mouchetée (Leucorrhinia intacta)
Leucorrhine frigide (Leucorrhinia frigida)
Sympétrum intime (Sympetrum internum)
Sympétrum éclaireur (Sympetrum obtrusum)
Sympétrum tardif (Sympetrum vicinum)
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Localisation:
Emplacement de la Forêt Boucher et points d'accès (Google map)
Emplacement des sites que j'ai visités (Google Earth):
Sources:
L'entomologie mène à tout, même sur la Lune, que je n'imaginais pas si vivante, «dark side» ou pas.
RépondreSupprimerJe me découvre très ignorant quand je lis votre blogue. Comme si je tombais de la Lune, justement.
C'est très bien de nous montrer que l'exploration peut commencer à notre porte.
Belle écriture Caroline et j'aime bien ton sens de la critique ! C'est un travail de sensibilisation et de conservation exemplaire que tu fais là !
RépondreSupprimerWalter B.
Ayoye! Super travail! (Y)
RépondreSupprimerJ'adore les image et c'est également très bien écrit! Fantastique, vraiment!
merci!
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