LE PEUPLEMENT D'UNE SABLIÈRE PAR UNE ESPÈCE DE DEMOISELLE,
ENALLAGMA CIVILE DANS l'OUTAOUAIS QUÉBÉCOIS
Raymond Hutchinson (RH) et Benoît Ménard (BM)
Pour l'entomologiste ou l'odonatologue, les sablières sont
des habitats parmi les plus fascinants.
Il s'agit très souvent de milieux transitoires créés par des humains à des fins
commerciales liées à la vente de sable, de cailloux et de roches concassées
(gravières). L'apparition de tels milieux devient attirant pour de nombreuses
espèces d'animaux et de plantes, des sortes de refuges parmi les constructions
humaines et le développement urbain. Les insectes et les araignées comptent
parmi les plus favorisés lorsque de tels types de terrain apparaissent dans le
paysage. Les organismes qui s'y
implantent et en prennent possession appartiennent aux groupes des espèces
pionnières qui recherchent ces genres de biotopes.
La découverte d'une population d'Enallagma civile dans une
grande sablière commerciale à Cantley par BM le 26 juillet 2015 constitue un
exemple frappant de cet envahissement d'un milieu anthropique par une espèce
d'organisme dite pionnière, non pas qu'elle soit la seule espèce d'odonate
présente, mais elle semble dominer ce paysage à caractère humain. Deux excursions successives par les deux auteurs,
dont BM avec sa conjointe, Lyne et sa fille, le 30 août et le 5 septembre 2015
ont confirmé que la grande mare et ses
abords dans la sablière sont peuplés
d'un nombre impressionnant de mâles et de femelles adultes soit
au-dessus de l'eau ou encore dans les herbes du pourtour de la mare. Le
dénombrement d'individus d'Enallagma
civile pourrait s'élever à plusieurs centaines d'individus. En plus, nous avons
pêché quelques larves ou naïades comme en font foi nos photos.
Nos présences à la sablière de Cantley ne représentent que
quelques heures sur un continuum saisonnier qui dure plusieurs mois. On ne peut
donc que supputer le nombre d'individus issus de cette sablière pendant une
saison ou une année. Le total de nos captures s'élèvent à une soixantaine
d'individus pendant nos trois courts séjours à la sablière. Nous invitons le
lecteur à admirer les magnifiques photos de BM, entr'autres l'attroupement de
mâles et de femelles en activité de reproduction et de ponte au-dessus et, peut-être
sous la surface de l'eau, les photos de mâles, de tandems, mâles et femelles
volant ensemble, les premiers en contrôle du vol, les femelles, attachées aux mâles et suivant à la traîne.
Parmi les leçons à tirer de notre aventure Enallagma civile,
il importe de reconnaître que si l'activité humaine détruit des milieux
naturels jadis peuplés d'espèces aux exigences particulières, espèces
maintenant disparues du site transformé, d'autres espèces qui se satisfont de
conditions moins strictes prennent la place, mais n'en diminuent pas moins la
richesse du patrimoine vivant qui ont fait le bonheur des naturalistes et
entomologistes du passé. Admirons tout de même
la résilience et la beauté d'une espèce de demoiselle (Zygoptera) comme
Enallagma civile qui s'établit dans des biotopes peut-être moins exigeants,
mais comportant certainement des difficultés d'adaptation d'un autre ordre. Le lecteur peut quand même
admirer la beauté de cette espèce pionnière, l'Enallagma civile, en s'attardant
aux photos de Benoît Ménard..
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